“Musiques en fête”
ClassicToulouse
Critique de Serge Chauzy
Le deuxième Rendez-Vous Musical, initié en 2017 par le compositeur toulousain Vincent A. Jockin, proposait, le 2 octobre dernier à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines, un nouveau programme original mis en œuvre par de grands musiciens de la région toulousaine et d’ailleurs. La soirée offrait à un public conquis par la formule, un mode nouveau de concert structuré comme un itinéraire qui aborde une succession de rivages variés et attractifs.
Une multitude d’œuvres brèves sont ainsi regroupées par thèmes, six en tout, abordés par des combinaisons instrumentales mouvantes, conférant ainsi une étonnante variété aux musiques abordées. Le « matériau » instrumental mis au service de ce voyage témoigne d’une volonté certaine de varier les couleurs, les rythmes et les timbres. Le quatuor de guitare Bergamasque (Clément Charpentier, Raphaël Guichard, Bruno Pancek et Clément Mengelle), côtoie le quintette de cuivres issu de l’Orchestre national du Capitole (Benoît Hui, cor ; Hugo Blacher et Thomas Pesquet, trompettes ; Aymeric Fournes et Fabien Dornic, trombones) ainsi que le quatuor de saxophones constitué de Claude Puysségur, Simon Rizzetto, Michel Itier et Gaëlle Gréau. Se joignent à l’ensemble la pianiste Anaëlle Reitan et le vibraphoniste Thibault Buchaillet. C’est Clément Lanfranchi qui assure la direction musicale de l’ensemble lorsque tous ces pupitres sont réunis.
C’est d’ailleurs le cas lorsque s’ouvre la première étape de ce voyage, intitulée « Comme au cinéma ». De Forrest Gump à Cinema Paradiso, en passant par les trouvailles de John William pour Star Wars et Harry Potter, l’ensemble des musiciens, dirigé avec élégance et souplesse par Clément Lanfranchi, laisse la place au quintette de cuivres puis au saxo soutenu par le piano. C’est au quatuor de saxophone d’animer l’étape suivante « Vents nouveaux ». Après une pièce du compositeur australien Alan Holley, deux partitions de Vincent A. Jockin, toutes deux en création mondiale, viennent rappeler le talent du musicien toulousain, notamment avec son Quatuor Op. 13 construit et animé par un admirable sens du rythme. C’est encore à Vincent A. Jockin que revient le développement de « Mélodies et couleurs ». On admire le jeu d’Anaëlle Reitan dans la belle Valse pour piano seul Op. 20 n° 1 et l’association inattendue et parfaitement maîtrisée du piano, du vibraphone et du duo de trompettes dans la pièce intitulée Boréales Op. 19, jouée ce soir-là en création mondiale. Une belle découverte.
La seconde partie de la soirée s’ouvre sur une nouvelle étape signée Vincent A. Jockin et intitulée « Classique ou jazz ? ». Les musiciens du quintette de cuivres s’en donnent à cœur joie avec la Fugue Op. 7 (hommage à Bach ?) et le très imaginatif Quintette Op. 27 n° 2. C’est enfin à l’excellent Quatuor de guitares Bergamasque d’aborder au rivage « Masques & Bergamasque » qui révèle deux belles transcriptions, celle de la célèbre Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel et celle de la pièce initialement écrite pour quatre luths en 1926 par Joaquin Turina, La oración del torero. Deux œuvres arrangées par les interprètes et que l’on croirait conçues pour guitares ! Cette étape, particulièrement riche, se poursuit par la « petite » Fugue en sol mineur BWV 578, de Johann Sebastian Bach, petite par la durée, mais immense par l’inspiration, ici admirablement détaillée par les quatre guitares. La création mondiale d’une nouvelle pièce de Vincent A. Jockin complète cette étape. Avec Les songes avant l’aube Op. 30 n°1, une poésie pleine de sève se fait jour.
Le « Feu de joie » final s’ouvre sur l’arrangement par Vincent A. Jockin de la Berceuse et du Final de L’oiseau de feu d’Igor Stravinsky et se conclut par celui de An die Freude, une adaptation imaginative du célébrissime « Hymne à la joie » de Beethoven (Final de la IXe symphonie). Clément Lanfranchi dirige là l’ensemble des musiciens rassemblés pour cette conclusion pleine d’ardeur. Rappelés par le public, les acteurs de cette soirée entonnent la célèbre chanson Girl Talk composée par Neal Hefti et « empruntée » par Claude Nougaro pour son tube Dansez Sur Moi. Le clin d’œil n’est pas passé inaperçu…
Il faut également remercier les organisateurs de cette soirée pour leur excellente initiative d’afficher sur écran le déroulement du programme musical. Ce fil d’Ariane devrait inspirer d’autres institutions ! Gageons que l’année prochaine un troisième Rendez-Vous Musical devrait poursuivre l’expérience.
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